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Circulaire n°
666-MJ/DIR du 8 mars 1961
relative à la procédure de naturalisation
(J.0. du 01.04.1961, p.625)
Le Garde de sceaux, Ministre de la
justice,
à MM. Les Secrétaires d’Etat
délégués aux provinces de:
Tananarive, Tamatave, Majunga,
Fianarantsoa, Diégo-Suarez et Tuléar.
Les articles 10 et 12 du décret n° 60-446 du 4
novembre 1960 prévoient que l’instruction des dossiers de naturalisation sera
assurée par les chefs de district.
La présente circulaire a pour objet de rappeler les principes généraux
et de définir la procédure à suivre pour l’instruction des demandes de
naturalisation et de réintégration.
TITRE
PREMIER
PRINCIPES GENERAUX
Section I
Recevabilité des demandes
L’examen doit porter d’abord sur la recevabilité des demandes: le
postulant doit remplir les conditions prévues par notre législation sur la
naturalisation, c’est à dire, dans le plus grand nombre de cas, par les
articles 27 à 36 du Code de la nationalité malgache.
Ces conditions sont au nombre de six.
Capacité du requérant
Le requérant doit avoir un certain âge (art. 27-1°).
Stage à Madagascar
Dans le cas général, la naturalisation ne peut intervenir qu’après cinq
ans de résidence à Madagascar (art. 27-5°), résidence dont la continuité ne
s’accommode d’absence pour raisons personnelles que si les séjours à l’étranger
sont de courte durée. Le postulant peut bénéficier, dans certains cas, d’une
exemption de stage (art. 29).
Régularité de séjour
La résidence à Madagascar n’est susceptible d’être prise en
considération, pour le calcul du stage, que si le requérant n’est pas frappé
par un arrêté d’expulsion ou d’assignation à résidence (art.35).
Bonne moralité
Toute condamnation pour vol, escroquerie, abus de confiance, recel d’une
chose obtenue à l’aide d’un de ces délits, usure, outrage, public à la pudeur,
proxénétisme, vagabondage ou mendicité, entraîne l’irrecevabilité de la
demande, si faible soit la peine prononcée.
Pour avoir ce même effet, les condamnations pour d’autres motifs doivent
être supérieures à une année d’emprisonnement. Indépendamment de toute
condamnation, l’irrecevabilité peut être constatée si l’honorabilité, telle
qu’elle résulte notamment du comportement professionnel ou familial, est
douteuse (art 27-4°).
Assimilation
Est dit assimilé, au sens de l’article 27-8°, l’étranger qui, par son
langage, sa manière de vivre, son état d’esprit, son comportement à l’égard des
institutions malgaches, se distingue aussi peu que possible de ceux de nos
nationaux au milieu desquels il vit.
Le loyalisme est un des éléments essentiels de cette assimilation. En
effet, on est en droit d’attendre de l’étranger qu’il s’abstienne
systématiquement de toute activité susceptible de nuire à nos intérêts
nationaux.
Bon état de santé
Est irrecevable la requête formée par un aliéné. Est irrecevable, parce
que le postulant constitue un danger pour la collectivité, le malade
contagieux. Est également irrecevable la requête du malade non contagieux, mais
sans espoir de guérison proche, ou de l’infirme, lorsque ce postulant, en
raison de sa maladie ou de son infirmité, ne peut plus travailler, et se trouve
ou se trouvera mis, du fait de sa naturalisation, à la charge de la
collectivité (art. 27-3°)
Dans certains cas, et seulement dans la mesure compatible avec le texte
en vigueur, le Gouvernement peut s’inspirer de l’idée de récompense dans
l’ordre professionnel ou militaire, etc., alors même que l’emploi de critères
habituels eût fait écarter la demande comme dépourvue d’intérêt futur.
Section II
Opportunité de la naturalisation
Le fait par un postulant de remplir les six conditions de recevabilité
n’implique aucunement l’obligation pour le Gouvernement de lui donner
satisfaction.
L’appréciation du Garde des Sceaux
Une fois effectuée par mes soins la première discrimination résultant de
l’application des règles légales de recevabilité, j’apprécie, dans l’espèce
considérée, si la naturalisation est opportune, compte tenu de l’avis que vous
formulez en tant que responsable de la
province soumise à votre autorité, et de celui que les chefs de district sont
appelés à donner en qualité de représentants du Gouvernement dans le territoire
qu’ils administrent. C’est, en effet, en vertu de l’exercice d’un droit de
souveraineté que le Gouvernement prend une décision dans chaque cas
particulier.
L’appréciation de l’opportunité, pour être moins rigoureuse que celle de
la recevabilité, n’est pas pour autant formulée sans discrimination.
La sincérité des sentiments du postulant entre en ligne de compte, et l’un
des aspects de cette sincérité est la réserve qui, pendant son stage, s’impose
à l’étranger dans le domaine politique.
La moralité commerciale et fiscale est, elle aussi, prise en
considération. Même si les irrégularités reprochables ne sont pas telles que
l’on doive constater ipso facto
l’irrecevabilité de la requête pour moralité douteuse, elles peuvent cependant
intervenir comme un élément défavorable sanctionné, le cas échéant, par un
rejet. Il serait, en effet, inopportun d’accorder la qualité de malgache à un
étranger qui ne participe pas intégralement aux charges communes à tous les
habitants de Madagascar.
TITRE II
INSTRUCTION DES DOSSIERS
Section I
Réception
des requêtes
Rédaction de la requête
L’étranger qui désire obtenir la naturalisation ou la réintégration doit
rédiger à cet effet, sur papier libre, une requête présentée aussi simplement
que possible soit en malgache soit en français.
L’épouse qui désire acquérir la nationalité malgache en même temps que
son mari se borne à mentionner en dessous de la signature de ce dernier qu’elle
s’associe à la demande.
Si des deux conjoints étrangers, un seul forme requête celui-ci doit
indiquer pourquoi l’autre conjoint s’abstient de solliciter la nationalité
malgache. Ces motifs sont à vérifier au cours de l’enquête réglementaire, et le
rapport du chef de district ne doit jamais manquer d’en commenter le résultat
sur ce point avec le plus grand soin. L’attitude du conjoint est, en effet, un
élément important pour apprécier l’assimilation et le loyalisme du ménage.
A partir de dix-huit ans, l’étranger est légalement capable de rédiger
seul sa demande.
Dépôt de la demande
Le chef de district de la résidence du postulant reçoit et instruit le
dossier.
Les étrangers sous les drapeaux font transmettre leur requête par
l’autorité militaire à l’autorité civile de la circonscription dans laquelle
les intéressés se trouvent en service.
En principe, toute demande de naturalisation doit obligatoirement être
instruite et le dossier doit être adressé à mon département dans le délai de
six mois fixé par l’article 13 du décret du 4 novembre 1960.
Cependant, l’autorité qui reçoit la demande a la faculté d’expliquer au
postulant que pour telle raison un obstacle légal parait s’opposer à la
recevabilité de la requête. Mais pour éviter toute réclamation ultérieure, il
est nécessaire de l’exprimer à l’intéressé par écrit et de terminer la lettre
par la formule suivante :
« Je vous signale que les
observations qui précèdent n’ont pour but que de vous rappeler les termes de la loi. Si vous
désirez néanmoins que votre dossier soit instruit, je vous prie de me le faire
savoir expressément et par écrit dans un délai de trois mois. Faute d’une telle
notification, je considérerais que vous acceptez le classement sans suite de votre
requête. »
Au cas d’accord exprès ou tacite du requérant, le chef de district
classe la demande. Il en avise mon département.
Déclaration sous la foi du serment
La requête a uniquement pour but de déclencher la procédure. L’autorité qui
reçoit le postulant lui fait remplir, ou remplit sur ses indications, une
déclaration sous la foi du serment, déclaration dans laquelle doivent figurent
toutes les précisions nécessaires pour la suite de l’instruction de l’affaire
(imprimé N.G. Adm.Gén. n° 62)
C’est au postulant qu’il appartient, en principe, de se procurer
lui-même et de verser à l’appui de sa déclaration sous la foi du serment les
pièces établissant son état civil et l’état civil des membres de sa famille, sa
situation militaire, son utilité sociale, sa situation de fortune et les études
effectuées.
Quelques remarques spéciales sont nécessaires en ce qui concerne les
pièces d’état civil.
Section II
Les pièces d’état civil
L’état civil des intéressés doit être vérifié avec plus grande
attention.
La notice réglementaire qui m’est transmise doit reproduire entièrement
et rigoureusement (en caractères majuscules et dactylographiés autant que
possible) les éléments de l’état civil de tous les intéressés, après que ces
éléments auront été pris eux-mêmes dans les actes obligatoires indiscutés et
concordants fournis à vos services.
La technique de la naturalisation, et plus généralement de la
nationalité, exige que la reconstitution des filiations et des parentés même
collatérales soit immédiatement possible à partir de la notice.
Une notice n’est exacte, quant à l’état civil, que si chacune des
mentions relatives aux postulants (et aux enfants compris dans la requête) est
appuyée sur des actes valables joints au dossier. Les simples affirmations du
postulant ne sauraient prendre le pas sur son état civil. De même, il ne faut
jamais confondre avec l’état civil du postulant son identification pour ainsi
dire physique et de police, laquelle permet de le retrouver au besoin, mais
n’est pas nécessairement dotée d’une valeur juridique de nature à fixer les
mentions devant figurer sur le décret de naturalisation.
Section
III
Enquête et avis divers
Il a été noté supra que les
articles 27 et suivants du Code de la nationalité malgache indiquent le thème
général des vérifications à effectuer en énonçant les conditions de
recevabilité légale des requêtes.
Cependant, j’estime utile de donner quelques précisions sur la façon de
conduire les enquêtes réglementaires.
Résidence
Les postulants ne doivent jamais manquer de me tenir informé d’urgence,
par les soins des autorités qui ont reçu leur requête, de leur changement de
résidence pendant la période qui s’écoule entre la transmission de leur dossier
à mes services et leur naturalisation.
Il y aura lieu de leur en donner avis.
Moralité et assimilation
Pour tout ce qui touche la moralité et l’assimilation, on peut affirmer
que le bien-fondé de vos avis, donc à plus forte raison, celui de la décision, dépend
du soin avec lequel sont effectuées les enquêtes. Sans la réunion, avant leur
rédaction, de divers documents dont la liste n’est pas limitative, il est
évident que les rapports ne sauraient être complets et objectifs. Or, en ces
matières, un facteur d’appréciation personnelle trop important risque souvent
d’entrer.
En règle générale, l’enquête doit établir que le postulant n’a pas
troublé l’ordre public. Les instruments de preuve de la bonne moralité et de
l’assimilation sont nombreux.
Ce sont tout d’abord les résultats des enquêtes effectuées dans les
localités où l’intéressé a résidé depuis son arrivée à Madagascar. La présence
au foyer d’enfants instruits dans nos écoles, la fréquentation régulière ou
constante des Malgaches, la participation à nos manifestations culturelles ou
sportives, la correction des relations avec l’ensemble de la population
constituent autant d’éléments justificatifs de l’assimilation.
Ce sont, en second lieu, les renseignements émanant de divers services.
Une certaine initiative vous appartient dans la consultation de certains
organismes. Par exemple, les avis des organismes professionnels locaux (chambre
de commerce, etc.) joints aux diplômes ou certificats fournis par l’intéressé
lui-même permettent d’apprécier plus exactement l’honorabilité professionnelle
et l’utilité sociale de la naturalisation du postulant.
Les chefs de district m’apparaissent bien placés pour faire connaître
l’opinion de la population sur les postulants et les réactions que provoquerait
éventuellement leur naturalisation sur le plan local. C’est pourquoi,
j’attacherais le plus grand intérêt à ce que, dans toute la mesure du possible,
les avis motivés des chefs de district des résidences antérieures du postulant
me soient communiqués.
Bon état de santé
L’article 12, 4°, du décret du 4 novembre 1960 prévoit l’examen du
postulant par un médecin assermenté. Le chef de district désigne un médecin sur
une liste de médecins assermentés et invite le postulant à se présenter à
celui-ci pour un contrôle de son état de santé, comportant notamment examen
radiologique et sérologique.
Le document rédigé par le praticien n’est pas un certificat ordinaire à
délivrer à l’intéressé, mais plus exactement une expertise réglementaire qui ne
peut lui être remise et doit vous être adressé directement par le médecin
commis. Il ne me semble pas inutile de préciser que les frais d’examen médical
seront toujours supportés par l’intéressé.
Section IV
Notice de renseignements
Rapport de présentation
§ 1er - Notice de renseignements
Le nombre relativement important de renseignements à recueillir sur les
postulants a conduit à l’utilisation des notices imprimées, dont vous trouverez
un modèle annexé à la présente circulaire.
Il y a tout intérêt à n’entreprendre la rédaction de ce récapitulatif
général qu’une fois les autres pièces du dossier réunies. Agir différemment
pourrait conduire à des omissions, à des contradictions ou à des modifications
sous forme de ratures ou de surcharges qui me mettraient dans la nécessité de
requérir des enquêtes complémentaires.
Les notices de renseignements ne doivent jamais être communiquées aux
postulants.
§ 2 - Rapport de présentation
Le rapport de présentation du dossier est la synthèse de tous les éléments
qui le constituent. Il doit être établi avec le plus grand soin, pour éviter
notamment que les avis qu’il formule sur les différents aspects de la
recevabilité de la demande et de l’opportunité résultant de la naturalisation
soient contredits par les informations résultant des pièces jointes. Votre
conclusion générale favorable ou défavorable au postulant doit se référer aux
motifs précis qui l’ont déterminée.
Il est évident que les propositions qui servent de conclusion aux
rapports de présentation seront d’autant mieux suivies qu’elles prendront plus
solidement appui sur les principes exposés dans la présente circulaire et sur
des faits soigneusement contrôlés.
Une large part d’initiative vous appartient dans la présentation
matérielle de ce rapport.
Section
V
Inventaire
§ 1er - Pièces obligatoires
1° Demande de naturalisation :
Requête sur papier libre signée par le postulant et
son épouse si celle-ci s’associe à la demande.
2° Pièces d’état civil :
Actes de naissance des postulants et actes de mariage
ou pièce authentiques pouvant en tenir lieu;
Actes de naissance des enfants mineurs;
Eventuellement, acte de décès du conjoint :
a. Au cas où le pétitionnaire serait dans
l’impossibilité de se procurer l’expédition de l’un de ces actes, il pourrait y
être suppléé par tous autres documents officiels tels que: extrait de livret de
famille, passeports, acte de notoriété, jugement supplétif, etc. ;
b. En cas de divergence entre les pièces de l’état
civil, en donner explication.
3° Copie des documents établissant la nationalité
malgache éventuelle des parents du postulant, de son épouse, de ses enfants;
renseignements sur les conditions dans lesquelles d’autres membres de la
famille possèdent, le cas échéant, la nationalité malgache.
4° Pièces établissant les services militaires
accomplis.
5° Conduite et
moralité :
Bulletin n°2 concernant les postulants âgés de plus de
seize ans susceptibles de bénéficier du même décret. (Il y aura intérêt à ce
que ces documents ne soient demandés aux autorités compétentes qu’au tout
dernier moment, lorsque le dossier sera
sur le point de m’être transmis).
6° Etat de santé
:
Certificats médicaux établis par le médecin assermenté
désigné, ainsi que les résultats des examens radioscopiques et sérologiques.
7° Utilité
sociale :
Certificat du dernier employeur mentionnant le salaire
perçu et indiquant de façon très précise l’emploi occupé.
Avis, pour tous les étudiants, des chefs des
établissements d’enseignement.
Avis de la chambre de commerce ou autres organisations
si le pétitionnaire est commerçant ou artisan.
8° Degré
d’assimilation :
Procès-verbal d’assimilation (un par postulant) ;
Certificat de scolarité pour les enfants.
9° Photographies
:
Photographies d’identité récentes concernant chacune
des personnes âgées de plus de seize ans, comprises dans la requête.
10° Situation de
fortune:
Bordereau de situation fiscale;
Relevé des salaires de la famille au cours du dernier
trimestre, délivré par le ou les employeurs.
11° Pièces d’enquête
:
Rapport de présentation avec l’avis motivé sur la
suite que la demande paraît devoir comporter. Le rapport fournira des
renseignements sur les motifs de l’abstention de l’un des époux au cas où
l’autre a seul demandé la naturalisation.
Rapport des chefs de district des résidences
successives à Madagascar.
Notice de renseignements. Cette notice doit être
remplie de façon très complète.
Avis divers, autres que ceux précisés dans les
rubriques précédentes.
§ 2 - Pièces facultatives
Actes d’état civil des parents du conjoint malgache;
Actes d’état civil des parents du postulant ;
Certificats de résidence ;
Certificats légalisés émanant d’anciens employeurs ;
Indication des distinctions obtenues ;
Copies des diplômes.
Section VI
Formalités postérieures
Le rôle des autorités qui reçoivent la demande ne se
trouve pas épuisé par la constitution du dossier, et j’appelle tout
spécialement leur attention sur un certain nombre de formalités postérieures à
la clôture de leur rapport:
- Toute indication défavorable qui viendrait à leur
connaissance après l’envoi du dossier réglementaire alors que la naturalisation
n’est pas encore intervenue, doit m’être communiquée sans délai;
-
Même
après le décret de naturalisation, quand elles entrent en possession de
renseignements tels que s’ils avaient été connus plus tôt, la demande de
naturalisation aurait pu être rejetée, elles doivent m’en tenir informé
d’urgence, afin de me permettre, éventuellement, de faire annuler la
naturalisation en application de l’article 62 du Code de la nationalité.
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