Décrets 314
Décret n° 99-798 du 6 octobre 1999
portant homologation
des agents de lutte biologique et des biopesticides
(J.O. n° 2668 du 30.10.2000, p.
3744)
CHAPITRE PREMIER
Dispositions générales
Article
premier - L'importation, la
production, l'exportation et l'utilisation d'agents de lutte biologique et de
pesticides biologiques (ou bio pesticides) sont soumises à un agrément
préalable du ministère chargé de l'Agriculture.
Cet agrément se traduit par la délivrance d'une
autorisation spécifique ou d'une homologation en vue d'un lâcher inondatif,
selon le cas.
Art. 2
- Au sens du présent décret, et
tels qu'ils sont définis dans le "Code de Conduite pour l'Importation et le Lâcher des Agents Exotiques de
Lutte Biologique" de la FAO, on entend par :
Agent de lutte biologique : Auxiliaire,
antagoniste, compétiteur ou autre entité biologique capable de s'autoreproduire, utilisé dans la lutte contre les
organismes nuisibles.
Antagoniste : Organisme qui n'occasionne pas de
dégâts importants mais dont la présence protège ses hôtes des dégâts d'autres
organismes nuisibles.
Auxiliaire : Organisme qui vit aux dépens d'un
autre organisme et qui peut contribuer à limiter la population de son hôte,
incluant les parasitoïdes, les parasites, les prédateurs et les pathogènes.
Compétiteur : Organisme qui concurrence les
organismes nuisibles pour les éléments essentiels du milieu.
Eco-Zone : Zone présentant une faune, une flore et
un climat suffisamment uniforme pour susciter les mêmes préoccupations en
matière d'introduction d'agents de lutte biologique.
Exotique : Non originaire du pays, d'un
écosystème ou d'un éco-zone particuliers.
Lâcher : libération intentionnelle d'un organisme
dans l'environnement.
Lâcher inondatif : Lâcher d'un très grand nombre
d'un agent biologique invertébré, produit en masse, dans le but de réduire
rapidement une population d'un organisme nuisible sans obtenir forcément un
effet durable.
Lutte biologique : Stratégie de lutte contre les
organismes nuisibles faisant appel aux auxiliaires, antagonistes ou
compétiteurs et autres entités biologiques autoreproductibles.
Pesticide biologique (ou biopesticide) : Terme
générique appliqué à un agent de lutte biologique, le plus souvent un
pathogène, formulé et appliqué d'une manière analogue à un pesticide chimique
et normalement utilisé pour réduire rapidement une population d'organismes
nuisibles pour une lutte à court terme.
Art. 3
- L'organisme chargé de la protection des
végétaux est habilité à délivrer les autorisations et/ ou permis d'importation,
sur décision émanant du Comité Interministériel, et à assurer les contrôles sur
toute importation, exportation, utilisation et lâcher d'agent de lutte
biologique et de biopesticides.
Art. 4
- Il est crée un Comité Technique
Interministériel, composé de membres, nommément désignés, issus :
- du ministère chargé de l'agriculture (organisme
de protection des végétaux),
- du ministère chargé de l'élevage,
- du ministère chargé des eaux et forêts,
- du ministère chargé de la recherche
scientifique,
- du ministère chargé de l'enseignement
supérieur,
- du ministère chargé de l'environnement,
- du ministère chargé de la santé,
ainsi que des représentants des opérateurs, selon les besoins.
Le Comité est chargé, après étude et évaluation
des dossiers techniques fournis à l'appui des demandes,
- de décider de l'octroi d'une autorisation ou
d'une homologation pour un agent de lutte biologique ou un biopesticide, selon
le cas ;
- de statuer sur toute demande d'importation,
d'exportation ou de lâcher inondatif d'agents de lutte biologique et de
biopesticides ;
- de faire assurer le contrôle des
expérimentations ;
- de contribuer à l'élaboration de toutes
réglementations relatives aux agents de lutte biologique et aux
biopesticides ;
- de statuer sur tous les problèmes relatifs aux
agents de lutte biologique et aux biopesticides.
Les résolutions et décisions prises au niveau du
comité sont applicables immédiatement.
Le comité se réunit sur convocation émanant de
l'organisme de protection des végétaux qui en assure la présidence, et en
autant de fois que nécessaire. Le Comité peut inviter à assister à la réunion,
à titre consultatif, toute personne dont la compétence fait autorité en la
matière.
L'organisme chargé de la protection des végétaux
est responsable:
- de l'application des décisions émanant du
comité technique et de la centralisation de tous les dossiers se référant au
sujet ;
- de la délivrance des autorisations et
homologations après avis du Comité ;
- de la centralisation des données et
informations sur les agents de lutte biologique et des biopesticides et de leur
diffusion.
CHAPITRE II
Procédures d'homologation et
d'importation
Art. 5
- Toute importation d'agents
de lutte biologique et de biopesticides, pour quelque utilisation que ce soit,
est soumise à la présentation à l'autorité compétente, en l'occurrence
l'organisme chargé de la protection des végétaux qui en saisit le Comité
Technique Interministériel, d'une demande accompagnée des dossiers ci-après :
A - Dans le
cas de l'importation et de l'utilisation d'un agent de lutte biologique
et de biopesticide exotiques
a.1- Dossiers exigés
pour les agents de lutte biologique
- un
dossier concernant l'organisme nuisible à combattre, et comprenant des informations sur l'identification
précise de l'organisme nuisible visé et sa répartition géographique, sur
l'évaluation de son importance ainsi que sur les auxiliaires, antagonistes ou
compétiteurs connus dans la zone de lâcher proposée ou dans d'autres régions du
monde;
un dossier relatif à l'agent de lutte
biologique proposé, avec
des informations sur son identification précise,
un résumé de toutes les informations disponibles sur son origine, sa
biologie, sa distribution, ses auxiliaires et son impact dans sa zone de
distribution,
une analyse de la spécificité de l'hôte de l'agent de lutte biologique et
de tous les risques potentiels pour les organismes non visés,
des informations sur les auxiliaires et contaminant de l'agent proposé et
les procédures d'élimination des colonies en laboratoire.
un dossier sur l'identification des dangers
potentiels, les analyses des risques
et les propositions d'atténuation des risques, notamment
les risques pour les personnes
manipulant les agents de lutte biologique dans les conditions de laboratoire,
de production et au champ,
les risques pour la santé de
l'homme et des animaux à la suite d'une introduction massive.
a.2 - Dossiers exigés
pour les biopesticides
- un dossier concernant l'organisme nuisible à
combattre - un dossier relatif à la matière active,
- un dossier sur le produit formulé,
- un dossier relatif au contrôle de la qualité du
produit formulé,
- un dossier sur l'identification des dangers
potentiels, tel que décrit ci-dessus.
B - Dans le cas de la production et
de l'utilisation d'un agent de lutte biologique
et de biopesticide indigènes
Les mêmes dossiers communs que ci-dessus doivent
être fournis en ce qui concerne les agents de lutte biologique indigènes.
Dans le cas spécifique des biopesticides
indigènes, la demande doit être accompagnée de :
un dossier concernant l'organisme nuisible à combattre,
un dossier relatif à la matière active,
un dossier sur le produit formulé,
un dossier sur l'identification des dangers potentiels, tel que décrit
ci-dessus.
Pour les agents de lutte biologique exotiques
exclusivement destinés à la recherche, des informations sur la nature du
matériel proposé à l'importation ainsi que l'efficacité des mesures d'isolement
ou de quarantaine (types d'installation et qualification du personnel) doivent,
en outre, être fournies.
Pour l'importation d'un biopesticide destiné à
des lâchers inondatifs, il est demandé, en sus des dossiers précités, de
fournir un dossier sur l'analyse des risques pour les organismes non cibles et
sur l'environnement en général avec description en détail des procédures
d'urgence en cas d'apparition de propriétés nuisibles imprévues après lâcher
ainsi qu'un rapport détaillé sur les analyses en laboratoire et les
observations aux champs et la gamme connue ou potentielle d'hôtes de l'agent
proposé.
Une liste des données et informations exigées
pour l'homologation est reproduite en annexe au présent décret.
Art. 6
- Avant toute importation pour un lâcher
inondatif ou à grande échelle, tout agent de lutte biologique proposé doit
obligatoirement faire l'objet d'expérimentations aussi bien en laboratoire que
sur le terrain, sous la supervision des services officiels concernés et dont la
réalisation, aussi bien technique que financière, est prise en charge par le
demandeur. Les modalités et procédures d'expérimentation sont fixées par voie
réglementaire,
Les protocoles et conditions
d'expérimentation doivent être approuvés par le Comité Technique
Interministériel avant que la mise en exécution puisse être ordonnée. Le Comité
peut également imposer des mesures restrictives et contraignantes s'il juge,
après étude des dossiers, que des risques potentiels sont à craindre ou que des
informations complémentaires sont nécessaires quant à l'innocuité réelle de
l'agent de lutte biologique proposé.
Art. 7 - Aucune autorisation d'importation
ou dérogation pour un lâcher inondatif, même à échelle réduite, ne peut être
délivrée tant que les résultats d'expérimentation ne sont disponibles ou que
les conditions réglementaires requises ne sont remplies.
Une autorisation spéciale peut
être délivrée pour les importations en petite quantité destinées aux Centres de
Recherche ou pour les besoins des expérimentations; ces importations doivent
faire l'objet de mesures de mise en quarantaine obligatoire selon la
réglementation nationale en vigueur. Les frais et coûts résultant de la mise en
quarantaine incombent au demandeur.
Art. 8 - Pour les agents de lutte
biologique indigènes réintroduits après purification ou purifié localement, la
présentation du dossier concernant l'agent de lutte (identification) et d'un
dossier sur les dangers potentiels et les risques pour la santé humaine et
l'environnement, dans le cadre d'une multiplication intensive en vue de lâcher
inondatif, reste exigible ainsi que la mise en place d'essais pour l'évaluation
de l'efficacité réelle de la souche sur la cible visée.
Les dispositions
évoquées au dernier paragraphe de l'Art. 5 ci-dessus doivent également être
satisfaites, notamment en ce qui concerne les procédures d'urgence.
CHAPITRE III
Dispositions
diverses
Art. 9 - L'exportation d'une souche d'un agent de
lutte biologique, sous quelque forme que ce soit, est soumise à une autorisation
préalable du Comité Technique Interministériel, sur présentation d'une demande
accompagnée de tous les détails se rapportant à son identité, tels que
spécifiés dans l'annexe.
Art. 10 - Les pesticides biologiques et agents de lutte
biologique destinés à des lâchers inondatifs doivent satisfaire aux
dispositions de l'arrêté n° 7451/92 du 30 novembre 1992 en ce qui concerne
l'étiquetage.
Par ailleurs, les organismes doivent
être conditionnés dans des emballages suffisamment robustes avec un matériau
inerte et fabriqués de manière à ce qu'aucune fuite ne puisse être possible en
cours de manipulation et/ ou de transport.
L'importateur ou le producteur local
doit également s'assurer à ce que les envois soient accompagnés des documents
appropriés comprenant des informations sur l'identité et le mode
d'identification, la sécurité, les conditions d'élevage ou de culture, les
méthodes de manipulation et les éventuels contaminants avec leur identification
et leur élimination.
Art. 11 - L'importation de tout agent de lutte
biologique et de biopesticide est soumise aux dispositions réglementaires en
vigueur en ce qui concerne le contrôle phytosanitaire (permis d'importation) et
les procédures de quarantaine obligatoire dont les modalités seront définies par
l'autorité compétente concernée.
Le contrôle de la qualité du produit,
à l'importation ou à la sortie de fabrication, est exigible selon les modalités
en vigueur appliquées aux produits agropharmaceutiques.
Art. 12
- L'importateur est tenu d'assurer, à ses
frais, et en collaboration avec les services officiels concernés, le suivi du
lâcher d'agents de lutte biologique et/ou de biopesticides afin d'en évaluer
l'impact sur les organismes visés ou non cibles.
Art. 13
- L'importateur est tenu de dispenser la
formation nécessaire à ses distributeurs afin qu'ils puissent donner les
conseils adéquats sur l'utilisation des agents de lutte biologique et de
biopesticides.
Il est également tenu de faire une large
diffusion des renseignements concernant la sécurité et l'incidence des agents
de lutte biologique et des biopesticides sur l'environnement, de signaler aux
autorités concernées les problèmes qui peuvent apparaître et d'entreprendre les
mesures correctives qui s'imposent.
En cas de dégâts à caractère environnemental
causés par les agents de lutte biologique, le promoteur ou l'importateur doit
prendre en charge tous les frais occasionnés aussi bien pour les études que
pour les réparations nécessaires.
Art. 14
- Les infractions aux dispositions du présent décret
seront punies des mêmes peines que celle prévues à l'article 31 de l'ordonnance
n° 86-013 du 17 septembre 1986 ainsi que celles du décret n° 95-092 du 31
janvier 1995.
Art. 15
- Les dispositions du décret n° 92-473 du 22
avril 1992 portant réglementation des produits agropharrnaceutiques et de ses
textes subséquents, pour autant qu'elles ne soient pas contraires aux
dispositions du présent décret, sont applicables au domaine des agents de lutte
biologique et des biopesticides, notamment en ce qui concerne les modalités de
contrôle de la distribution.
Art. 16
- Des arrêtés ministériels seront pris, en tant
que de besoin, en application du présent décret.
Art. 17
- Le Ministre de l'Agriculture et le Ministre
de l'Environnement sont chargés chacun en ce qui le concerne de l'exécution du
présent décret qui sera publié au Journal officiel de la République.
ANNEXE
DONNEES ET INFORMATIONS EXIGEES
POUR L'HOMOLOGATION DES BIOPESTICIDES
Données
requises sur :
I: Identité du
produit
a.- la matière active :
- Propriétés physiques et chimiques,
- Nom systématique et souche pour les
micro-organismes,
- Nom vulgaire,
- Populations naturelles de l'organisme,
- Procédé de fabrication,
- Procédures d'examen et critères utilisés pour
l'identification (morphologie, biochimie et/ ou sérologie),
- Composition des matières indésirables,
description de leur nature et de leur identité et teneurs,
- Méthodes d'analyse.
b.- le produit fini :
- Propriétés physiques et chimiques,
- Quantité de matière active,
- Nom et type de la formulation,
- Nature et quantité des diluants,
- Objet et identité des matières non actives,
- Stabilité du produit et effet de la température
et des conditions de stockage sur l'activité biologique,
- Méthodes d'analyse.
II.- Propriétés
biologiques de la matière active
- Populations naturelles et mode de distribution
du principe actif dans différentes conditions climatiques,
- Cible du ravageur et pouvoir pathogène de
l'agent considéré sur ce ravageur (ou antagonisme),
- Dose infectieuse, transmissibilité et mode
d'action ,
- Parenté de l'agent à un agent pathogène d'un
végétal ou d'une espèce vertébrée,
- Types de cultures ou de locaux à protéger,
- Mode, dose et fréquence des applications.
III.- Données
toxicologiques
a.- Données toxicologiques primaires :
- Principe actif :
- Pouvoir pathogène/toxicité aiguë
par voie orale,
- Toxicité percutanée aiguë,
- Pouvoir pathogène/toxicité aiguë
par voie pulmonaire,
- Etude sur l'infection/irritation
des yeux,
- Cas signalés d'allergies ou
d'hypersensibilité.
- Produit fini :
- Pouvoir pathogène/ toxicité aiguë
par voie orale,
- Toxicité percutanée aiguë,
- Pouvoir pathogène/ toxicité aiguë
par voie pulmonaire.
b.- Données toxicologiques supplémentaires (en
cas d'indications sur la production de toxines ou de signes d'infection ou de
longue persistance du biopesticide) :
- Pouvoir pathogène/ toxicité
subchronique (en cas de persistance inhabituelle),
- Effet sur la reproduction,
- Immunodéficience (pour les
virus),
- Infectivité/pouvoir pathogène sur
les primates.
IV.- Données sur
les résidus
- Toxicité pour les poissons,
- Etudes concernant les végétaux non cibles,
- Etude concernant les insectes non cibles,
- Pouvoir pathogène et toxicité par voie orale
d'une dose unique pour les oiseaux,
- Pouvoir pathogène par voie respiratoire sur les
oiseaux,
- Identité et moyens de mesure des toxines (pour
les agents microbiens qui en sécrètent).