Lois 03
LOI N° 2007‑038 du 14 janvier
2008
modifiant et complétant certaines
dispositions du Code Pénal sur
la lutte contre la traite des personnes et le
tourisme sexuel
(J.O. n° 3 173 du 19/03/08,
p.1191)
L’Assemblée
nationale et le Sénat ont adopté en leur
séance respective en date du
07 décembre 2007 et du 17 décembre 2007,
Le
Président de la République,
Vu la
Constitution ;
Vu la
Décision n° 01‑HCC/D3 du 09 janvier 2008 de la Haute Cour
Constitutionnelle ;
Promulgue
la loi dont la teneur suit :
Article
premier. -
La présente loi a pour
objet de :
- mettre en place des mesures de
prévention contre la traite de personnes, l’exploitation sexuelle et le tourisme
sexuel ;
- modifier et compléter certaines
dispositions du Code Pénal afin de :
. régir toute forme de traite, de
vente, d’enlèvement et d’exploitation de personnes ;
. prévenir et de combattre la traite
des personnes ;
. prendre des sanctions à l’encontre
des trafiquants ;
. protéger et aider les victimes de la
traite des personnes, en respectant pleinement leurs droits fondamentaux, en
particulier les femmes et les enfants contre une nouvelle
victimisation.
CHAPITRE
PREMIER
DE LA PREVENTION
Art. 2.
- En vue de lutter
contre la traite, la vente, l’enlèvement ou l’exploitation des personnes y
compris les enfants, les programmes, les initiatives sociales et autres mesures
de campagnes d’information, d’éducation et de communication et de campagnes dans
les médias à diffuser sur tout le territoire national par les structures
habilitées ainsi que les mesures de prise en charge par l’Etat sont déterminés
par décret pris en Conseil du Gouvernement.
Art. 3.
- La coopération
des Organisations Non Gouvernementales, des Agences multi et bilatérales, des
Gouvernements des pays étrangers ainsi que de la société civile avec l’Etat doit être effective pour la mise en
œuvre des programmes et des mesures établis.
Art. 4.
- Un service,
organisé dans les conditions fixées par un décret pris en Conseil du
Gouvernement, est chargé de déterminer les types de documents de voyage valables
et nécessaires, de détecter les moyens et méthodes utilisés par toute personne
ou groupe organisé pour la traite de personnes.
CHAPITRE
II
DES MODIFICATIONS DU CODE
PENAL
Art. 5.
- Il est inséré,
après l’article 331 un article numéroté 331 bis ainsi
rédigé :
« Art.331
bis :
Quiconque aura attenté aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant, pour
satisfaire les passions d’autrui, la débauche, la corruption ou la prostitution
enfantine de l’un ou de l’autre sexe, est puni des travaux forcés à
temps. »
Art. 6.
- Il est inséré,
après l’article 333 bis, trois articles numérotés 333 ter, 333 quater et 333
quinto ainsi rédigés :
« Art. 333
ter :
1. Un enfant s’entend de tout être
humain âgé de moins de dix huit ans.
2. L’expression « traite ou
trafic des personnes » désigne le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours
à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude,
tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre
ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une
personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation ou d’adoption
plénière illégale d’un enfant par une personne dite trafiquant.
3. L’exploitation comprend
l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation
sexuelle, le travail non rémunéré, le travail ou les services forcés, le travail
domestique d’un enfant, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la
servitude ou le prélèvement d’organes.
4. L’exploitation sexuelle d’un enfant,
de l’un ou de l’autre sexe, à des fins commerciales s’entend comme étant l’acte
par lequel un adulte obtient les services d’un enfant pour faire des rapports
sexuels en contrepartie d’une rémunération, d’une compensation ou d’une
rétribution en nature ou en espèces versée à l’enfant ou à une ou plusieurs
tierces personnes prévues par les articles 334 à 335 bis du Code Pénal avec ou
sans le consentement de l’enfant.
5. Le tourisme sexuel désigne le fait
pour un national ou un étranger de voyager, pour quelque motif que ce soit et,
d’avoir des relations sexuelles contre rémunération financière ou autres
avantages avec des enfants ou des prostituées, cherchant eux-mêmes des relations
sexuelles pour en obtenir un avantage quelconque.
6. La pornographie mettant en scène des
enfants s’entend comme toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d’un
enfant s’adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées ou
toute représentation des organes sexuels d’un enfant, à des fins principalement
sexuelles.
7. L’expression « vente
d’enfants » désigne tout acte ou toute transaction faisant intervenir le
transfert d’un enfant de toute personne ou de tout groupe de personnes à une
autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre
avantage.
Le déplacement ou le non retour d’un
enfant est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en violation d’un droit de
garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou
conjointement, par le droit de l’Etat dans lequel l’enfant avait sa résidence
habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non
retour. »
« Art. 333
quater : La traite de personnes, y
compris des enfants ainsi que le tourisme sexuel et l’inceste constituent des
infractions.
Est considéré comme trafiquant
d’enfants :
1. Quiconque recrute un enfant, le
transporte, le transfère, l’héberge ou l’accueille en échange d’une rémunération
ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage, pour
le mettre à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin de permettre la
commission contre cet enfant des infractions de proxénétisme prévues et
réprimées par les articles 334 et suivants, d’agressions ou d’atteintes
sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou
d’hébergement contraires à sa dignité, même s’ils ne font appel à aucun des
moyens énoncés à l’article 333 ter ;
2. Quiconque procède au transport
illégal et à la vente d’enfants sous quelque forme que ce soit et à quelque fin
que ce soit, notamment l’exploitation sexuelle, le travail forcé, l’esclavage,
les pratiques analogues à l’esclavage et à la servitude, avec ou sans le
consentement de la victime ;
3. Quiconque, sachant pertinemment
l’existence de proxénétisme, d’exploitation sexuelle ou de tourisme sexuel,
n’aura pas dénoncé ou signalé les faits aux autorités compétentes, conformément
aux dispositions des articles 69 et 70 de la loi n° 2007‑023 du 20 août
2007 sur les droits et la protection des enfants, est considéré comme
complice.
Les actes de participation sont considérés
comme des infractions distinctes. »
« Art. 333 quinto
: Le consentement
de la victime de traite de personnes à l’exploitation est réputé nul et non
avenu, lorsque l’un des moyens énoncés à l’article 333 quater a été
utilisé. »
Art. 7.
- Il est inséré,
après l’article 334 bis, trois articles numérotés 334 ter, 334 quater et 334
quinto ainsi rédigés :
« Art. 334
ter :
Quiconque embauche, entraîne ou détourne en vue de la prostitution, une personne
même consentante est punie de la peine de deux (2) à cinq (5) ans et d’une
amende de 1 000 000 Ar à
10 000 000 Ar.
Si l’infraction a été commise sur la
personne d’un enfant, de l’un ou de l’autre sexe, au dessous de l’âge de quinze
ans, l’auteur est puni des travaux forcés à temps. »
« Art. 334 quater :
L’exploitation
sexuelle, définie par l’article 333 ter, est punie de la peine de cinq (5) à dix
(10) ans d’emprisonnement et d’une amende de 4 000 000 Ar à
20 000 000 Ar.
L’exploitation sexuelle est punie
des travaux forcés à temps si elle a été commise sur la personne d’un enfant, de
l’un ou de l’autre sexe, au dessous de l’âge de quinze ans
accomplis.
Si l’exploitation sexuelle a été
commise à des fins commerciales sur un enfant de dix huit ans, l’auteur est puni
des travaux forcés à temps. »
« Art. 334 quinto :
Quiconque aura
consommé des rapports sexuels avec un enfant contre toute forme de rémunération
ou tout autre avantage est puni de la peine d’emprisonnement de deux (2) à cinq
(5) ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 à
10 000 000 Ar. ou l’une de ces deux peines seulement.
La tentative est punie des mêmes
peines. »
Art.
8. - Il est
inséré, après l’article 335, neuf (9) articles numérotés 335.1, 335.2, 335.3, 335.4, 335.5, 335.6,
335.7, 335.8, 335.9 ainsi rédigés :
« Art. 335.1 : Le tourisme sexuel, défini par
l’article 2, 4° de la présente loi, est puni de la peine de cinq (5) à dix (10)
ans d’emprisonnement et d’une amende de 4 000 000 Ar à
20 000 000 Ar.
Le tourisme sexuel est puni des
travaux forcés à temps s’il a été commis sur la personne d’un enfant, de l’un ou
de l’autre sexe, au dessous de l’âge de quinze ans
accomplis.
La pornographie mettant en scène des
enfants, par toute représentation et par quelque moyen que ce soit ou la
détention de matériel pornographique impliquant des enfants est punie des peines
prévues par l’article 334 du Code Pénal. »
« Art.335. 2 : Les père et mère ou autres
ascendants, qui encouragent directement ou indirectement la prostitution
enfantine en le laissant mener un train de vie libéral et indépendant, favorisant l’exploitation et/ou le
tourisme sexuel à son égard tant sur le plan national que dans le cadre
international, sont punis de la peine de cinq (5) à dix (10) ans
d’emprisonnement et d’une amende de 4 000 000 Ar à
20 000 000 Ar ou l’une de ces deux peines
seulement.
Les mêmes peines sont appliquées si
l’auteur est soit le frère ou la sœur de la victime mineure ou toute personne
qui occupe une position similaire au sein de la famille, soit toute personne
cohabitant habituellement ou occasionnellement avec elle et qui a autorité sur
elle. »
« Art. 335. 3 : Tout rapport sexuel entre proches
parents ou alliés jusqu’au 3ème degré inclus, en ligne directe ou
collatérale, dont le mariage est prohibé par la loi ou tout abus sexuel commis
par le père ou la mère ou un autre ascendant ou une personne ayant autorité
parentale sur un enfant est qualifié d’inceste.
L’inceste est puni des travaux
forcés à temps s’il a été commis sur la personne d’un
enfant.
Dans les autres cas, l’inceste est
puni de cinq (5) à dix (10) ans d’emprisonnement et d’une amende de
4 000 000 Ar à
20 000 000 Ar. »
« Art.335.
4 : Quiconque
aura transgressé aux règles fixées par les dispositions de la loi relative à
l’adoption en vue d’une adoption illégale, fait constitutif de traite, sera puni
des travaux forcés à temps. »
« Art. 335.5 : Toute tentative de traite,
d’exploitation sexuelle sous quelque forme que ce soit, de tourisme sexuel et
d’inceste qui aura été manifestée par un commencement d’exécution, si elle n’a
pas été suspendue ou si elle n’a manqué son effet que par des circonstances
indépendantes de la volonté de son auteur, est considérée comme l’acte lui-même
et sera punie des mêmes peines. »
« Art.335. 6 : L’enfant victime des infractions
relatives à la traite, à l’exploitation sexuelle, au tourisme sexuel et à
l’inceste peut, à tout moment, signaler ou saisir le Ministère Public ou toute
autre autorité compétente des faits commis à son encontre et réclamer réparation
du préjudice subi.
« Art.335. 7 : En matière d’infraction relative à
la traite, à l’exploitation sexuelle, au tourisme sexuel et à l’inceste commis
sur la personne d’un enfant, le délai de prescription de l’action publique ne
commence à courir qu’à partir du jour où l’enfant victime atteint l’âge de dix
huit ans.
En cas de détention préventive de
l’auteur, le cautionnement prévu par les articles 346 et suivants du Code de Procédure Pénale ne peut être
utilisé. »
« Art. 335. 8 :
Les peines prévues
pour les infractions sur la traite, l’exploitation sexuelle, le tourisme sexuel
et l’inceste commis sur la personne
d’un enfant sont prononcées
indépendamment du moyen utilisé pour exploiter ou abuser la
victime. »
« Art.335.
9 : Les peines
prononcées pour les délits relatifs aux infractions sur la traite,
l’exploitation sexuelle, le tourisme sexuel et l’inceste commis sur la personne
d’un enfant ne peuvent être assorties de sursis. »
Art. 9.
- Il est inséré,
après l’article 335 bis, deux articles numérotés 335 ter, 335 quater ainsi
rédigés :
« Art.335
ter : Les
nationaux et les personnes ayant leur résidence habituelle à Madagascar qui se
livrent à la traite, à l’exploitation sexuelle, au tourisme sexuel dans d’autres
pays sont poursuivis et sanctionnés conformément aux dispositions du Code
Pénal. »
« Art. 335
quater : Les
demandes d’extradition des personnes recherchées aux fins de procédure dans un
Etat étranger sont exécutées pour les infractions prévues à la présente loi ou
aux fins de faire exécuter une peine relative à une telle
infraction.
Les procédures et les principes
prévus par le traité d’extradition en vigueur entre l’Etat requérant et
Madagascar sont appliqués.
En l’absence de traité d’extradition
ou de dispositions législatives, l’extradition est exécutée selon la procédure
et dans le respect des principes définis par le traité type d’extradition adopté
par l’Assemblée Générale des Nations Unies dans sa Résolution
45/116. »
CHAPITRE
III
DES DISPOSITIONS
FINALES
Art. 10.
- Des textes
réglementaires seront pris pour l’application de la présente
loi.
Art. 11.
- La présente
loi sera publiée au Journal
officiel de la République de Madagascar. Elle sera exécutée comme loi de
l’Etat.
Promulguée
à Antananarivo, le 14 janvier 2008
Marc
RAVALOMANANA